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XLV
EUGÈNE DELACROIX.

héroïques. Le dialogue est bien puéril, et cependant, quand on l’interrompt pour intercaler un morceau de cette musique, on est dans la situation d’un voyageur qui fait une route insipide, mais qui voudrait n’arrêter qu’au bout de sa carrière : en un mot, c’est un « genre bâtard », bâtard quant au poème par la niaise imitation de mœurs qui ne nous touchent pas, bâtard par cette musique d’opéra-comique. »

Delacroix voyagea peu, ou du moins ne séjourna guère dans les pays qu’il visita. Si l’on excepte l’excursion au Maroc qui devait avoir une influence considérable sur son talent, il ne paraît pas qu’il soit demeuré longtemps dans les villes d’art qu’il traversa. Ainsi, à son retour du Maroc en 1832, il voit les musées de Séville, mais c’est à peine s’il y reste ; en tout cas, il ne songe pas à s’y arrêter pour copier les maîtres. En 1850, après de longues hésitations, il se décide à partir en Belgique : il visite Bruxelles, Anvers, Malines, Coblentz, Cologne, puis revient à Bruxelles et de là rentre à Paris. Il ne pousse même pas jusqu’en Hollande et paraît impatient de reprendre ses travaux. Un séjour qui semble lui avoir été particulièrement agréable fut celui qu’il fit à Londres en 1825 ; mais il était dans les premières années de sa carrière de peintre, et n’avait pas encore cet impérieux besoin de production ininterrompue qui caractérise l’époque de sa maturité. Le pays qu’il regretta toujours de n’avoir pas vu, c’est l’Italie. À son ami Soulier qui se trouvait à Florence en 1821, il écrivait pour lui dire qu’il enviait son bonheur ; mais comme il avait renoncé à « courir la chance du prix », et que ses modiques ressources ne lui permettaient pas de songer à un aussi long voyage, il se voyait contraint d’en détourner sa