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XLIII
EUGÈNE DELACROIX.

le jeu des grands comédiens, en outre d’une pure jouissance esthétique, un enseignement salutaire et de précieuses indications. Ses lettres de 1825 datées de Londres décrivent l’enthousiasme que suscita en lui le talent de Kean, de Young, les plus fameux interprètes de l’œuvre shakespearienne. En 1835, il écrivait à Nourrit pour le remercier du plaisir qu’il lui avait fait goûter et du talent dont il avait fait preuve en répandant de l’intérêt sur une pièce comme la Juive, « qui en a grand besoin, ajoute-t-il, au milieu de ce ramassis de friperie qui est si étranger à l’art ». Le Journal contient des appréciations longues et détaillées sur les plus célèbres acteurs de l’époque : Rachel, Mlle Mars, la Malibran, Talma, et toujours dans ce qu’il écrit on voit percer le souci des rapports existant entre l’art du comédien et celui du peintre. Il consulte Talma, il interroge Garcia sur la Malibran, et arrive à cette conclusion que chez le peintre « l’exécution doit toujours tenir de l’improvisation, différence capitale avec celle du comédien ».

Mais l’art qui semble l’occuper par-dessus tout, après la peinture, c’est la musique. À cet égard, il faut distinguer entre les jugements qu’il porte sur la pure musique et sur la musique dramatique. Sans doute, lorsqu’il parle de la première, on peut contester certaines de ses appréciations, notamment à propos de Beethoven, qu’il trouve souvent « confus », bien qu’il admire « la divine symphonie en la », à propos de Berlioz, dont il méconnut le talent : — rappelons, toujours dans le sens du préjugé romantique, que les critiques d’alors se plaisaient à associer leurs noms, et appelaient Berlioz le Delacroix de la musique. — Pourtant, si l’on songe à ce qu’était de son