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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

vastes contrées où le goût n’a jamais pénétré ; ce sont ces pays orientaux, dans lesquels il n’y a pas de société, où les femmes sont abaissées, etc. Tous les arts y sont stationnaires.

Il n’y a dans ces dessins ni perspective ni aucun sentiment de ce qui est véritablement la peinture, c’est-à-dire une certaine illusion de saillie, etc. : les figures sont immobiles, les poses gauches, etc… Nous avons vu ensuite un portefeuille de dessins d’un M. Laurens[1], qui a voyagé dans toutes ces contrées.

Chose qui me frappe surtout, c’est le caractère de l’architecture en Perse. Quoique dans le goût arabe, tout néanmoins est particulier au pays ; la forme des coupoles, des ogives, les détails des chapiteaux, les ornements, tout est original. On peut, au contraire, parcourir l’Europe aujourd’hui, et depuis Cadix jusqu’à Pétersbourg, tout ce qui se fait en architecture a l’air de sortir du même atelier. Nos architectes n’ont qu’un procédé, c’est de revenir toujours à la pureté primitive de l’art grec. Je ne parle pas des plus fous, qui font la même chose pour le gothique ; ces puristes s’aperçoivent tous les trente ans que leurs devanciers immédiats se sont trompés dans l’appréciation de cette exquise imitation de l’Antique. Ainsi

  1. Jules Laurens peintre et lithographe, né en 1825, élève de Paul Delaroche. En 1847, il fut chargé par le gouvernement d’accompagner Hommaire de Hell, envoyé en mission en Turquie, en Perse, en Asie Mineure, et il dessina pendant ce voyage des sites, des types, des costumes qui étaient encore peu connus. Il a publié en 1854 la relation de ce voyage.