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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

de Rousseau pour sa vente. Charmé d’une quantité de morceaux d’une originalité extrême.

Dimanche 3 mars. — A l’Union musicale : Symphonie en fa, de Beethoven, pleine de fougue et d’effet ; puis l’ouverture d’Iphigénie en Aulide y avec toute l’introduction, airs d’Agamemnon, et le chœur de l’arrivée de Clytemnestre.

L’ouverture, un chef-d’œuvre : grâce, tendresse, simplicité et force par-dessus tout. Mais il faut tout dire : toutes ces qualités vous saisissent fortement, mais la monotonie vous endort un peu. Pour un auditeur du dix-neuvième siècle, après Mozart et Rossini, cela sent un peu le plain-chant. Les contrebasses et leurs rentrées vous poursuivent comme les trompettes dans Berlioz.

Tout de suite après venait l’ouverture de la Flûte enchantée ; à la vérité, c’est un chef-d’œuvre. J’ai été aussitôt saisi de cette idée, en entendant cette musique qui venait après Glück. Voilà donc où Mozart a trouvé, et voici le pas qu’il lui a fait faire ; il est vraiment le créateur, je ne dirai pas de l’art moderne, car il n’y en a déjà plus à présent, mais de l’art porté à son comble, après lequel la perfection ne se trouve plus.

Je disais à la princesse Radoïska, chez laquelle j’ai été en sortant de là : « Nous savons par cœur Mozart et tout ce qui lui ressemble. Tout ce qui a été fait à leur imitation et dans ce style ne le vaut pas, et nous a d’ailleurs fatigués ou rassasiés. Que faire