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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

que la sagesse antique avait trouvé, avant d’avoir fait autant d’expériences, il faudra bien que nous l’acceptions et que nous le subissions. Ce qui est en train de périr chez nous se reformera sans doute ou se maintiendra ailleurs un temps plus ou moins long.

L’affreux Prophète, que son auteur croit sans doute un progrès, est l’anéantissement de l’art ; l’impérieuse nécessité où il s’est cru de faire mieux ou autre chose que ce qu’on a fait, enfin de changer, lui a fait perdre de vue les lois éternelles de goût et de logique qui régissent les arts. Les Berlioz, les Hugo, tous les réformateurs prétendus ne sont pas encore parvenus à abolir toutes les idées dont nous parlons ; mais ils ont fait croire à la possibilité de faire autre chose que vrai et raisonnable… En politique de même. On ne peut sortir de l’ornière qu’en retournant à l’enfance des sociétés, et l’état sauvage, au bout des réformes successives, est la nécessité forcée des changements.

Mozart disait : « Les passions violentes ne doivent jamais être exprimées jusqu’à provoquer le dégoût ; même dans les situations horribles, la musique ne doit jamais blesser les oreilles, ni cesser d’être de la musique. » (Revue des Deux Mondes, 15 mars 1849, p. 892.)

Mardi 8 mai. — Dîné chez Mme Kalerji avec Meyerbeer, M. de Pontois, M. de la Redorte[1], de

  1. Mathieu de la Redorte, homme politique, ami de M. Thiers.