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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

dans la galerie restaurée d’Apollon la peinture correspondante à celle de Lebrun. Il lui a parlé de moi dans des termes très flatteurs. Cette initiative de sa part me surprend étrangement, surtout après l’opposition que j’ai faite à ses projets. T… y voit un désir de me ménager. Que m’importe, après tout ?

Ce soir, migraine, et soirée passée tristement chez moi sans dîner.

Samedi 14 avril. — Le soir chez Chopin ; je l’ai trouvé très affaissé, ne respirant pas. Ma présence au bout de quelque temps l’a remis. Il me disait que l’ennui était son tourment le plus cruel. Je lui ai demandé s’il ne connaissait pas auparavant le vide insupportable que je ressens quelquefois. Il m’a dit qu’il savait toujours s’occuper de quelque chose ; si peu importante qu’elle soit, une occupation remplit les moments et écarte ces vapeurs. Autre chose sont les chagrins.

Jeudi 19 avril. — Dîner chez Pierret avec une Mlle Thierry qui accompagne Subetti avec le violon ; le soir, quelques morceaux de Mozart, etc.

Vendredi 20 avril. — Dîner chez Mme H…, et été avec elle au Prophète. Il y avait le prince Poniatowski, M. Richetzki et M. Cabarrus[1]. Je n’ai

  1. Le docteur Cabarrus, célèbre médecin de l’époque.