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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

— Je reçois ce soir, en sortant, l’invitation au convoi de M. Dosne[1], mort en deux jours du choléra.

Samedi 7 avril. — Revu Alard[2] au convoi, qui m’entraîne dans sa suite. Il n’est pas assez pénétré du souvenir des vertus de M. Dosne pour aller s’entasser une heure dans une église en son honneur.

De là chez Chopin : Alkan[3] y était. Il me conte un trait de lui dans le genre de mon histoire avec Thiers. Pour avoir tenu tête à Auber, il a éprouvé et éprouvera sans doute de très grands désagréments.

Vers trois heures et demie, accompagné Chopin en voiture dans sa promenade. Quoique fatigué, j’étais heureux de lui être bon à quelque chose… L’avenue des Champs-Élysées, l’Arc de l’Étoile, la bouteille de vin de guinguette ; arrêté à la barrière, etc.

Dans la journée, il m’a parlé musique, et cela l’a ranimé. Je lui demandais ce qui établissait la logique en musique. Il m’a fait sentir ce que c’est qu’harmonie et contrepoint ; comme quoi la fugue est comme la logique pure en musique, et qu’être savant dans la fugue, c’est connaître l’élément de toute raison et de toute conséquence en musique. J’ai pensé combien j’aurais été heureux de m’instruire en tout cela qui

  1. Beau-père de M. Thiers.
  2. Alard, violoniste distingué, né en 1815. Il fut l’élève d’Habeneck et professeur au Conservatoire.
  3. Alkan, musicien et compositeur, né à Paris en 1813. Il a publié de nombreux morceaux.