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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

étable, où les rapports s’établissent à coups de fourche ou de cornes ; voilà de la franchise que je préfère.

— Le matin, chez Couder[1], pour parler du tableau de Lyon. Il est spirituel, et sa femme est fort bien. Si nous avions été francs l’un et l’autre, à la manière de mon Breton, nous nous serions battus avant la fin de la séance ; nous nous sommes, au contraire, quittés en fort bonne intelligence.

Samedi, 10 mars. — Vu Mme de Forget le soir, M. de T… le matin.

J’ai été frappé de son Albert Dürer, et comme je ne l’avais jamais été ; j’ai remarqué, en présence de son Saint Hubert, de son Adam et Ève, que le vrai peintre est celui qui connaît toute la nature. Ainsi ses figures humaines n’ont pas chez lui plus de perfection que celles des animaux de toutes sortes, des arbres, etc. ; il fait tout au même degré, c’est-à-dire avec l’espèce de rendu que comporte l’avancement des arts à son époque. Il est un peintre instructif ; tout, chez lui, est à consulter.

Vu une gravure que je ne connaissais pas, celle du Chanoine luxurieux, qui s’est endormi près de son poêle : le diable lui montre une femme nue, laquelle est d’un style plus élevé qu’à l’ordinaire, et l’Amour tout éclopé cherche à se grandir sur des échasses.

  1. Louis-Charles-Auguste Couder, peintre d’histoire, né en 1790, mort en 1873, élève de Regnault et de David. En 1838, il se présenta à l’Institut en concurrence avec Delacroix et fut élu le 28 décembre.