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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

compliments sur ma coupole[1], mais ces compliments-là ne signifient rien.

— Perpignan m’avait raconté l’anecdote du vieux Thomas Paw, qui a vécu cent quarante ans. Un homme qui désirait le voir rencontra un vieillard décrépit qui se lamentait, et qui lui dit qu’il venait d’être battu par son père, pour n’avoir pas salué son grand-père, lequel était Paw.

Il dit très justement que les émotions usent la vie autant que les excès ; il me cite une femme qui avait expressément défendu qu’on lui racontât le moindre événement capable d’impressionner.

J’éprouve, du reste, combien je suis fatigué de parler avec action, même de prêter une attention soutenue à la pensée d’un autre.

12 mars. — Journée de fainéantise complète… J’ai essayé, au milieu de la journée, de me mettre au Valentin : j’ai été obligé de l’abandonner ; je suis retombé sur Monte-Cristo.

Après mon dîner, chez Mme Sand. Il fait une neige affreuse, et c’est en pataugeant que j’ai gagné la rue Saint-Lazare.

Le bon petit Chopin[2] nous a fait un peu de musi-

  1. La coupole d’Orphée, à la Chambre des députés.
  2. Delacroix avait pour le génie de Chopin une admiration enthousiaste. Chaque fois que le nom du musicien revient dans le Journal, c’est toujours avec les épithètes les plus louangeuses. Il le fréquentait assidûment, et l’un de ses plus grands plaisirs était de l’entendre exécuter soit ses propres œuvres, soit la musique de Beethoven. Dans le livre si