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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

— Été à la Chambre. Travaillé avec un entrain médiocre, mais néanmoins avancé beaucoup.

— Le soir, fatigué et humeur affreuse ; je suis resté chez moi. En vérité, je ne suis pas assez reconnaissant de ce que le ciel fait pour moi. Dans ces moments de fatigue, je crois tout perdu.

— Reçu en rentrant une lettre de Mme R…, avec un bon de 300 francs payable le 15 ; elle m’écrit aussi pour me demander comment il faut placer les fenêtres de son atelier, que je n’ai jamais vu.

6 mars. — Reposé par ma nuit.

Rentré dans mon atelier, j’y ai retrouvé de la bonne humeur ; je regarde les Chasses de Rubens : celle de l’hippopotame, qui est la plus féroce, est celle que je préfère. J’aime son emphase, j’aime ses formes outrées et lâchées. Je les adore de tout mon mépris pour les sucrées et les poupées qui se pâment aux peintures à la mode et à la musique de M. Verdi.

Mme Leblond, avant-hier, ne pouvait rien comprendre à mon admiration pour les deux charmants dessins de Prud’hon qu’a son mari.

— Mme G*** me demande un dessin pour une loterie et m’a assuré de son amitié.

— J’écris enfin à M. Roché[1].

— J’ai fait quelques croquis d’après les Chasses de Rubens ; il y a autant à apprendre dans ses exagéra-

  1. M. Roché habitait à Bordeaux.