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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

qui se sont introduits de proche en proche dans chacune des figures et dans toutes en même temps ; le tableau ne semble jamais fini. Premier inconvénient : les détails étouffent les masses ; deuxième inconvénient : le travail devient beaucoup plus long.

— Bornot[1] le soir.

3 mars. — Ce mercredi, repris les rochers du fond du Christ et achevé l’ébauche de la Madeleine[2] : la figure nue du devant. Je regrette que cette ébauche manque un peu d’empâtement. Le temps lisse incroyablement les tableaux ; ma Sibylle[3] me paraissait déjà toute rentrée en quelque sorte dans la toile. C’est une chose à observer avec soin.

— Vu les Puritains[4] le mardi soir, avec Mme de Forget. Cette musique m’a fait grand plaisir. Le clair de lune de la fin est magnifique, comme ceux que fait le décorateur au théâtre. Ce sont des teintes très simples, je pense, du noir, du bleu et peut-être de la terre d’ombre, seulement bien entendu de plans, les uns

  1. Bornot, cousin de Delacroix, qui, à la mort de M. Bataille, devint propriétaire de l’abbaye de Valmout, aux environs de Fécamp. Delacroix y fit de nombreuses études et notamment de délicieuses aquarelles ; il y a même reconstitué des vitraux anciens de sa composition, en rapprochant des débris trouvés en décombres.
  2. Voir Catalogue Robaut, no 920 et 921.
  3. La Sibylle au rameau d’or fut envoyée par Delacroix au Salon de 1845. « Cette Sibylle avait les yeux ardents, la bouche hautaine, le geste noble, la souple allure de mademoiselle Rachel, que Delacroix admirait passionnément. » (Voir Catalogue Robaut, no 918.)
  4. Les Puritains d’Écosse, opéra de Bellini, représenté au théâtre Italien en 1835. Ce fut le dernier ouvrage de Bellini.