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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Déserteur, où le théâtre change, pour produire un grand effet, venant après vingt ou trente changements d’un moindre intérêt, doit trouver le spectateur plus froid, plus difficile à remuer. Ce fait, dans le génie de Goethe, de n’avoir su tirer aucun parti de l’avancement de l’art à son époque, de l’avoir plutôt fait rétrograder aux puérilités des drames espagnols et anglais, le classe parmi les esprits mesquins et entachés d’affectation. Cet homme qui se voit toujours faire, n’a pas même le sens de choisir la meilleure route, quand toutes les routes sont tracées avant lui et autour de lui, et déjà parcourues admirablement. Lord Byron, dans ses drames, a su, du moins, se préserver de cette affectation d’originalité : il reconnaissait le vice du système de Shakespeare, et, tout en étant loin de comprendre le mérite des grands tragiques français, la justesse de son esprit lui montrait néanmoins la supériorité du goût et le sens de cette forme.

25 avril. — Partant pour Champrosay.

— Je lis dans le Meunier d’Angibault[1] la scène où un jeune homme du peuple refuse la main d’une marquise, sous le prétexte de la différence de caste… Ils ne considèrent pas (les utopistes) que le bourgeois n’était pas autrefois une puissance ; aujourd’hui il est tout.

22 mai. — À propos de la pensée précédente,

  1. Roman de George Sand qui parut en 1846.