Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.


— À l’atelier, travaillé au coin à gauche, surtout l’homme couché. Ôté le blanc qu’il avait autour de la tête.

— Le soir chez M. de Conflans : il était seul. Café de la Rotonde.

— Reçu un billet de la Laure ; très drôle.

— En sortant vers huit heures, le soir, de la maison, rencontré la jolie grande ouvrière. Je l’ai suivie jusqu’à la rue de Grenelle, en délibérant toujours sur ce qu’il y avait à faire et malheureux presque d’avoir une occasion. Je suis toujours comme ça. J’ai trouvé, après, toutes sortes de moyens à employer pour l’aborder, et quand il était temps, je m’opposais les difficultés les plus ridicules. Mes résolutions s’évanouissent toujours en présence de l’action. J’aurais besoin d’une maîtresse pour mater la chair d’habitude. J’en suis fort tourmenté et soutiens à mon atelier de magnanimes combats. Je souhaite quelquefois l’arrivée de la première femme venue. Fasse le ciel que vienne Laure demain ! Et puis, quand il m’en tombe quelqu’une, je suis presque fâché, je voudrais n’avoir pas à agir ; c’est là mon cancer. Prendre un parti ou sortir de ma paresse. Quand j’attends un modèle, toutes les fois, même quand j’étais le plus pressé, j’étais enchanté quand l’heure se passait, et je frémissais quand je l’entendais mettre la main à la clef. Quand je sors d’un endroit où je suis le moins du monde mal à mon aise, j’avoue qu’il y a un moment de délices extrêmes dans le