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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

lir. La nouveauté est dans l’esprit qui crée, et non pas dans la nature qui est peinte. La modestie de celui qui écrit l’empêche toujours de se placer parmi les grands esprits dont il parle. Il s’adresse toujours, comme on pense, à une de ces lumières, s’il en est que la nature…, etc.

… Toi qui sais qu’il y a toujours du neuf, montre-le-leur dans ce qu’ils ont méconnu… Fais leur croire qu’ils n’avaient jamais entendu parler du rossignol et du spectacle de la vaste mer, et de tout ce que leurs grossiers organes ne s’entendent à sentir, que quand on a pris la peine de sentir pour eux d’abord. Que la langue ne t’embarrasse pas ; si tu cultives ton âme, elle trouvera jour pour se montrer ; elle se fera un langage qui vaudra bien les hémistiches de celui-ci et la prose de celui-là. Quoi ! vous êtes original, dites-vous, et cependant votre verve ne s’allume qu’à la lecture de Byron ou du Dante, etc. ! Cette fièvre, vous la prenez pour la puissance de produire, ce n’est plutôt qu’un besoin d’imiter… Eh ! non, c’est qu’ils n’ont pas dit la centième partie de ce qu’il y a à dire ; c’est qu’avec une seule des choses qu’ils effleurent, il y a plus de matières aux génies nouveaux qu’il n’y a …[1] et que la nature a mis en dépôt dans les grandes imaginations futures, plus de nouveautés à dire sur ses créations, qu’elle n’a créé de choses.

  1. Manque dans le manuscrit.