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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.


— Dîné. Rouget à cinq heures. — Trouvé là Julien. Promené une heure avec lui. — Leblond à sept heures. — Dufresne n’est pas venu. — M. Rivière[1] y est venu.

— Je lisais ce matin cette anecdote. Un officier anglais, dans la guerre d’Amérique, se trouvant aux avant-postes, vit venir un officier américain occupé d’observer, qui paraissait si distrait qu’il n’en fut pas aperçu, quoiqu’il en fût à une distance très petite. Il le couche en joue, mais arrêté par l’idée affreuse de tirer sur un homme comme sur une cible, il retint son doigt prêt à faire partir la détente. L’Américain pique des deux et s’enfuit… C’était Washington !

Mercredi 12. — À l’atelier à neuf heures. Déjeuné au café D… — Chez Soulier après. Soulier est venu avec M. Andrews.

— Cogniet est venu vers trois heures passées ; il m’a paru fort content de ma peinture. Il lui semblait voir, disait-il, mon ancien tableau commencé. Et puis combien ce pauvre Géricault aimerait cette peinture !… La vieille, bouche grande ouverte, ni exagération dans les yeux ; l’intention des jeunes gens du coin ; naïf et touchant. Il semblait étonné

  1. Ce M. Rivière était un ami intime de Delacroix ; car, dans une lettre à Pierret datée de Londres en 1825, il dit : « Si tu vois M. Rivière, pour qui tu sais que nous avons tous deux beaucoup d’amitié, dis-lui mille choses de ma part et que ses jugements sur ce pays-ci sont bien justes pour moi. » (Corresp., t. I, p. 104.)