Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

« Que de réflexions pour faire une belle tête expressive ! Cent fois plus que pour un problème, et pourtant ce n’est, au fond, que de l’instinct, car il ne peut rendre compte de ce qui le détermine. » Je remarque maintenant que mon esprit n’est jamais plus excité à produire que quand il voit une médiocre production sur un sujet qui me convient.

— À l’atelier à huit heures. Mal disposé. Champmartin venu à la fin. — Dîné chez Rouget ensemble et puis rencontré Fieiding. Chez Leblond ensemble.

Mercredi 28 avril. — Toute la journée, non en train et insipide mélancolie ; il serait bien utile de se coucher de très bonne heure, à présent que les soirées sont ennuyeuses. Qu’il serait bon d’arriver au jour à l’atelier !

— Travaillé à l’enfant.

Jeudi 29 avril. — La gloire n’est pas un vain mot pour moi. Le bruit des éloges enivre d’un bonheur réel ; la nature a mis ce sentiment dans tous les cœurs. Ceux qui renoncent à la gloire ou qui ne peuvent y arriver font sagement de montrer, pour cette fumée, cette ambroisie des grandes âmes, un dédain qu’ils appellent philosophique. Dans ces derniers temps, les hommes ont été possédés de je ne sais quelle envie de s’ôter eux-mêmes ce que la nature leur avait donné en plus qu’aux animaux qu’ils chargent des plus vils fardeaux.