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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

puis mon tableau qui m’a fait grand plaisir[1]. Il y a un défaut qui se retrouve encore dans celui que je fais[2], spécialement dans la femme attachée au cheval ; cela manque de vigueur et d’empâtement. Ces contours sont lavés et ne sont pas francs ; il faut continuellement avoir cela en vue.

— Travaillé à l’atelier à retoucher la femme à genoux.

— Vu le Velasquez et obtenu de le copier ; j’en suis tout possédé. Voilà ce que j’ai cherché si longtemps, cet empâté ferme et pourtant fondu. Ce qu’il faut principalement se rappeler, ce sont les mains ; il me semble qu’en joignant cette manière de peindre à des contours fermes et bien osés, on pourrait faire des petits tableaux facilement.

Été chez le Turc, au Palais-Royal. Quel misérable Juif, avec son manteau, qu’il ne voulait même pas me laisser regarder ! Quoi qu’il en soit, j’en ai à peu près la coupe.

— Je rentre de bonne heure, en me félicitant de copier mon Velasquez, et plein d’entrain.

Quelle folie de se réserver toujours pour l’avenir de prétendus sujets plus beaux que d’autres !

Quant à mon tableau, il faut laisser ce qui est fait bien, quand cela serait dans une manière que je quitte. Le prochain aura sinon un progrès, au moins une variété.

  1. Dante et Virgile.
  2. Massacre de Scio.