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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Rubens, me séchaient… Il m’emprunte, en attendant, mon étude, et j’ai eu tort de la lui promettre, elle me sera peut-être utile.

J’ai pensé, en revenant de mon atelier, à faire une jeune fille rêveuse qui taille une plume, debout devant une table.

Lundi 26 janvier. — J’ai donné à Émilie Robert, pour trois séances de mon tableau, 12 francs.

— J’ai oublié de noter que j’avais envie de faire par la suite une sorte de mémoire sur la peinture[1], où je pourrais traiter des différences des arts entre eux ; comme, par exemple… que, dans la musique, la forme emporte le fond ; dans la peinture, au contraire, on pardonne aux choses qui tiennent au temps, en faveur des beautés du génie.

— Dufresne[2] est venu me voir à mon atelier.

— Je retrouve justement dans Mme de Staël le développement de mon idée sur la peinture. Cet art, ainsi que la musique, sont au-dessus de la pensée ; de là leur avantage sur la littérature, par le vague.

  1. Cette idée de mémoire sur la peinture le poursuivit toute sa vie ; elle se transforma par la suite en dictionnaire où chaque terme d’art est expliqué et commenté par des exemples pris sur les maîtres.
    Après plusieurs essais, il met enfin, en 1857, son idée à exécution. Le dimanche 11 janvier, il commence « un Essai d’un dictionnaire des Beaux-Arts, extrait d’un dictionnaire philosophique des Beaux-Arts ».
  2. Il s’agit très probablement ici de Jean-Henri Dufresne, peintre, né à Étampes en 1788. Dufresne avait d’abord été magistrat à l’époque des Cent-jours ; mais ayant perdu sa place au retour des Bourbons, il se mit à l’étude des arts et exposa quelques paysages au Salon. Il publia également plusieurs livres d’éducation et de morale.