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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

de l’aimer. Ce jeudi, je l’attends avec bien de l’impatience ; mais après, il n’y en aura plus ; mais elle-même, elle se résout bien facilement à se passer de moi ! Quelle me le dise elle-même, et je serai tranquille.

Même jour. —

« Bonne et chère J…, j’use de tous les privilèges de mes vacances pour me donner la consolation de vous écrire, en attendant celle de vous voir. Ce jeudi, j’y pense beaucoup trop pour un homme qui n’en veut pas souvent de semblables. Quels doux et cruels moments pour moi, bonne amie ! Il me semble que ma lettre va vous ennuyer. N’imaginez pas que je ne vous écrive que pour envoyer mes rêveries, bien tristement (dans tout cela, ma tristesse vient de ce que, comme son véritable ami avant tout, je ne puis la voir, etc.) et chèrement méditées, hélas ! à cette même place où je vous ai vue hier si bonne pour moi. Je veux vous demander une chose sur laquelle je n’ai pas insisté. Soyez assez bonne pour venir demain…
Je suis un grand et indigne indiscret : mais pensez que vous devez m’oublier après ce jeudi… Ah ! pourquoi, bonne J…, n’être pas entièrement franche avec moi ? Pourquoi n’être pas tout à fait l’amie de celui dont le cœur sera toujours plein de votre chère image, et qui donnerait tout pour vous ? Quel doux sentiment vous m’inspirez ! Mais n’appuyons pas sur tous ces sentiments-là. Il y a tant d’affections délicates dans tout, et singulières dans tout ceci, que la