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SYLIGAITHA.


Tous ceux qui, au moins à deux ou trois époques de leur vie, n’ont pas éprouvé le besoin de chercher dans le cœur d’un ami, d’une maîtresse ou du public (car les extrêmes se touchent), un confident de leurs sentiments, de leurs pensées, ou même de ce que l’expérience leur a appris ; ces hommes-là, soyez-en sûrs, sont imparfaits ou au moins incomplets. Le bavardage involontaire du cœur et de l’esprit est une des facultés de l’homme qui a le plus contribué à rendre la condition humaine tolérable, et quelquefois même assez douce. Si nous étions tous rigoureusement discrets et prudents, il n’y aurait que des égoïstes sur la terre.

On peut comparer les écrits que laissent successivement les hommes, chez les nations civilisées, à ces lignes de douleur, de joie passagère ou de désespoir, que les prisonniers gravent sur les murs des cachots où ils meurent enfermés.

Ces écrits, lorsque la source en est franche et naturelle, sont des témoignages arrachés à la conviction, à la conscience et aux passions de ceux qui les ont tracés : c’est un certificat que donne de son existence celui qui craint que cette existence ne soit révoquée en doute et ne tombe dans l’oubli. C’est aussi une protestation contre toutes les injustices dont on croit avoir été l’objet pendant sa vie ; enfin c’est une confession faite dans l’intérêt de la vérité, vers laquelle tout homme se précipite malgré lui, sans s’embarrasser des avantages ou des inconvénients qui peuvent en résulter. On a impérieusement besoin de sfogarsi, comme disent les Italiens ; on veut se débourrer le cœur, disons-nous avec moins d’élégance, sans doute, mais avec autant d’énergie. Les écrits, les conversations, les aveux, les lettres, les confessions, les mémoi-