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HÉLIKA.

un effort, je réussis à me mettre sur mon séant. Mes idées devinrent plus lucides. Angeline au pied de mon lit pleurait et priait. « Où suis-je ? » demandai je d’une voix presqu’éteinte. Au son de ma voix, elle poussa un cri de joie et vint m’embrasser les mains ; puis mettant un doigt mutin et discret sur sa bouche pour me défendre de parler, elle continua d’une voix émue : « Le bon Dieu nous a envoyé un grand secours ! Après lui, c’est à une femme des bois et à son fils surtout, que tu dois de n’être pas brûlé vif, et moi morte de faim ou d’épuisement. Ils t’ont sauvé des flammes au moment un affreux incendie, allumé par le tonnerre, allait t’envelopper. Il était grand temps ; crois-moi, les flammes t’entouraient, tes vêtements étaient en feu ; Père, tu étais sans connaissance. Depuis bientôt dix jours, ils te soignent et nous donnent à tous deux la nourriture ; mais ne dis pas mot, car ils me gronderaient ; vois-tu ils m’ont défendu de te laisser parler et m’ont recommandé de te faire boire à ton réveil un peu de cette tisane. »

Enfin deux jours après je me trouvai beaucoup mieux et pus avoir quelques explications d’Angeline quoiqu’elles fussent bien imparfaites, n’ayant pu obtenir encore le plaisir d’offrir à mes sauveurs inconnus l’expression de ma reconnaissance et les récompenses que je leur destinais. Ils s’obstinèrent longtemps sous un prétexte ou sous un autre à ne pas se montrer, mais enfin ils durent céder à mes demandes réitérées et je pus faire leur connaissance.

Ils m’apprirent plus tard qu’ils s’étaient trouvés chez Octave le jour de sa mort ; qu’Octave et Marguerite avaient été pour le jeune homme et sa mère une véritable Providence.

Ils les avaient recueillis un soir que manquant de tout, ils allaient mourir en proie à une fièvre ardente et ils leur avaient donné tous les soins possibles.

Tous deux avaient donc voué à leurs protecteurs une reconnaissance sans bornes et ne manquaient jamais de venir la leur exprimer à leur sortie des bois.

À la nouvelle de leur mort prochaine, ils s’étaient hâtés d’accourir. Ils avaient vu bien des fois le désespoir des malheureux parents au sujet de leur petite fille, mais appartenant à une autre tribu, ils ignoraient ce qu’elle était devenue.

Aucun des incidents de la journée ne leur avait échappé. Ils avaient remarqué mon malaise indicible lorsque Marguerite avait fixé son regard sur moi et entendu le cri déchirant de la mère lorsqu’elle avait reconnu l’enfant. Ils avaient aussi soupçonné une partie de la vérité et s’étaient mis sur mes traces pour