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HÉLIKA.

je pris avec Paulo la direction des contrées du Nord. La saison de la pêche et de la chasse était arrivée. Dans les régions septentrionales, tout le monde sait que c’est aux derniers jours de décembre que les loups marins en troupeaux nombreux se laissent aller au courant sur les glaces polaires, pour venir raser les côtes de l’Île de Cumberland et celles du Labrador. C’était par conséquent vers ces endroits que la tribu des Montagnais s’était dirigée. Paulo me désigna dans notre route les endroits où plusieurs de ses anciens associés avaient trouvé la mort. La triste expérience qu’il avait acquise m’avait mis sur mes gardes, aussi n’avais-je pas regardé aux dépenses pour m’assurer d’amples suppléments de provisions, et un heureux retour.

Lorsque je rejoignis les Montagnais, je fus salué avec plaisir. Malheureusement leur chasse et leur pêche n’avaient pas été fructueuses, cependant ils espéraient des secours qui devaient leur venir d’un parti de chasseurs qui étaient allés plus loin. La vieille sauvagesse avait suivi la tribu. Elle surtout avait souffert toutes les misères possibles. Angeline était dans un état d’amaigrissement à faire peur. Comment dans ce moment n’ai-je pas frémi en faisant un rapprochement du temps où j’avais arraché cette enfant, si heureuse d’entre les bras de ses parents, pour la remettre aux soins de cette marâtre. Je récompensai cette dernière en lui donnant de l’argent pour payer ses mauvais traitements. J’avais eu soin d’enfouir dans des endroits sûrs, le long du trajet, les provisions et les viandes fumées dont je pouvais disposer, de sorte que j’étais certain de n’en pas manquer au retour.

Ainsi revins-je avec Angeline prenant d’elle les soins les plus tendres et désirant qu’elle fut aussi belle, aussi charmante que possible, quand j’irais la présenter à ses parents sous un nom supposé.

Après notre retour, grâce à une bonne nourriture, elle retrouva toutes ses forces ; et sa beauté en se développant, frappait tous ceux qui la voyaient. Elle avait néanmoins conservé de la hutte sauvage une teinte de tristesse, et de timidité, qui donnait à sa figure un charme dont il était difficile de se défendre. Son caractère était sympathique, et, sa sensibilité extrême, elle ressentait très profondément les injustices et les mauvais traitements sans toutefois, jamais se plaindre : les bons procédés ne manquaient jamais de faire venir à ses yeux des larmes de gratitude, accompagnées des plus touchants remerciements. Trois ans s’étaient écoulés, depuis que je l’avais ramenée auprès de moi ; je m’étais chaque jour évertué à former son éducation et à développer son intelligence ; l’enfant répondait d’une manière admirable aux