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HÉLIKA.

il trouverait un manuscrit qui contenait toute l’histoire de sa vie. Il nous demanda comme une faveur de vouloir en prendre connaissance, de le publier même, si on le voulait, afin qu’il servît d’enseignement.

Sur un des rayons poudreux de ses tablettes, Monsieur d’Olbigny alla prendre un manuscrit jauni par le temps : « Voilà, nous dit-il, qui complétera l’histoire d’Hélika, si elle vous présente quelqu’intérêt. » Mais auparavant, permettez-moi de vous raconter ses derniers moments.

Il était donc évident que l’heure suprême était arrivée pour le vieillard, aussi le sentait-il lui-même. Il nous fit signer comme témoins, un testament olographe qu’il avait préparé, par lequel il instituait Adala, sa légatrice universelle, lui enjoignant toutefois de prendre un soin tout filial de la vieille Indienne et nommait monsieur Fameux son exécuteur testamentaire.

Toutes ces dispositions prises, il nous exprima le désir de rester encore quelques instants seul avec le ministre de Dieu. Ses forces l’abandonnaient rapidement. Après un assez long entretien avec monsieur Fameux, sur sa demande nous rentrâmes dans la chambre. La jeune fille agenouillée, recevait tout en larmes la dernière bénédiction et les derniers baisers du mourant, pendant que la vieille Indienne regardait d’un œil sec et stoïque cet émouvant tableau.

Bientôt après, nous nous mîmes à genoux et récitâmes les prières des agonisants ; quelques heures plus tard, Hélika était devant Dieu. Le surlendemain, nous le déposâmes dans sa dernière demeure à l’endroit qu’il nous avait lui-même indiqué. La cérémonie fut touchante et bien propre à nous impressionner. La nature avait cette journée-là une teinte morne et sombre. Le temps était couvert, le soleil voilé ne répandait qu’une lumière blanchâtre à travers les nuages qui le recouvraient. Une brise froide et glacée comme un vent d’automne, imprimait aux arbres des craquements et un balancement qui leur arrachaient des plaintes continues ; elles faisaient échec aux lamentations de la jeune orpheline, qui, la figure prosternée, arrosait de ses larmes la terre sous laquelle reposait celui qu’elle avait aimé comme son père.

Les plaintes du vent allaient s’éteindre dans les fourrés comme des sanglots. Le lac soulevé par la brise venait déferler ses vagues sur les galets du rivage avec de sourds gémissements.

La cérémonie terminée, Adala tout en larmes se jeta dans les bras de monsieur Fameux. « Ma grand-mère et moi seules désor-