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HÉLIKA.

cette même foule d’attendre au moins que la brise imprimât à cette masse inerte, à ce cadavre et à ces membres pantelants, un balancement qui les ferait se heurter sur les poteaux du gibet comme en mesure, aux accords des fanfares infernales. »

« 5 heures A. M. Rodinus continue sa mélopée inconnue. À quelle divinité adresse-t-il ce chant ? Oh ! si c’était à ce Dieu qu’il affecte de ne pas connaître, au moins conserverais-je une lueur d’espoir sur son avenir, mais non c’est une glorification de ses forfaits. Il les passe en revue dans sa mémoire et regrette de ne pouvoir en savourer les délices plus longtemps. »

10 ½ heures A. M. Rien n’est changé dans l’attitude de Rodinus. Paulo a eu un accès de frénésie épouvantable. Il se croyait poursuivi par ses victimes. Il leur demandait pitié, miséricorde, comme elles-mêmes ont dû le faire lorsqu’il les outrageait ou les mettait à mort. Ses cheveux se dressaient d’épouvante, il attendait, disait-il, des ricanements d’enfer et les cris de joie des démons qui le conviaient à leur horrible fête. Il entrevoyait les tortures des damnés, il répétait leurs lamentations et leurs gémissements. Son œil était hagard, il tremblait de tous ses membres. Son grincement de dents augmente encore l’horreur de tous les témoins de cette épouvantable scène. C’est bien là la peinture que l’écriture nous fait de la mort du pécheur impénitent. Dentibus suis fremet et tabescet. Puis il est tombé dans un état de torpeur, il n’est plus qu’une masse inerte. »

« Le silence du cachot n’est troublé que par le bruit de sa respiration stertoreuse et par le chant de son compagnon plus strident et plus saccadé. C’est la ronde du jongleur qui évoque les esprits infernaux. Oh ! mon Dieu je n’y puis rien faire !… » La porte du cachot s’ouvre, c’est le bourreau et ses aides qui entrent suivis des officiers de justice. »

« Je me précipite au-devant d’eux, je les supplie d’accorder encore dix minutes de répit. Un des officiers tire sa montre et dit en secouant tristement la tête qu’il a déjà différé l’exécution de quelques minutes et qu’il ne peut m’accorder un seul instant. Cet instant comment l’eussent-ils employé ? Eussent-ils enfin, dans ce moment suprême, tourné un regard de repentir et de supplication vers Dieu ? Hélas ! je n’ose plus rien espérer que dans l’immense miséricorde de la Divine Providence. »

« La seule chose que j’ai pu obtenir a été l’aveu complet que Paulo m’a fait, et dont je ne doutais pas, qu’il était avec ses deux complices les meurtriers du malheureux compagnon d’Attenousse pour lequel celui-ci avait subi le dernier supplice. Paulo seul avait ourdi cette trame diabolique pour se venger de l’horreur qu’An-