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HÉLIKA.

raître dans un coin reculé du cimetière, les restes mortels du malheureux Paulo et de son complice. C’est la mort dans l’âme et encore tout rempli d’horreur de ce que j’ai vu et entendu dans les derniers jours qui ont précédé l’exécution et au moment où leur âme devait paraître devant le juge suprême, que je remplis la promesse que je vous ai faite. Croyez-le, mon frère, il y a de tristes moments dans la vie. Dieu arrose quelques fois de larmes bien amères la carrière de ses ministres. »

« Jamais peut-être dans une vie qui compte aujourd’hui près de quarante-cinq ans d’apostolat, je n’ai eu autant d’angoisses et de découragement que pendant ces quelques jours. Mon Dieu je ne m’en plains pas puisque telle a été votre volonté. Non je ne me plains pas des pleurs que j’ai versés pour les souffrances morales que j’ai endurées, mais ce qui m’afflige profondément et jetterait peut-être le désespoir dans mon âme, si ma conscience ne me disait pas que j’ai fait mon devoir, c’est que tous mes efforts ont été infructueux et inutiles pour faire germer au cœur des deux grands pécheurs, une pensée ou un sentiment de repentir. »

« J’incline mon néant devant les insondables décrets du Très-Haut. Qui sait peut-être au moment où ils allaient être lancés dans l’éternité, un peccavi que la corde ne leur a pas permis d’articuler, s’est-il élevé du fond de leur âme. »

« Frère, prions pour eux qu’ils aient trouvé grâce, priez aussi pour ce pauvre prêtre afin que Dieu rende son travail efficace, lorsqu’il tentera de ramener à lui des âmes égarées. »

« Je suis avec estime, votre bien sincère ami. »

« Odillon ptre. »

P. S. « J’oubliais de vous remercier de l’envoi généreux que vous m’avez fait. Cet argent sera distribué aux pauvres, et c’est sur votre tête et sur celles de ceux qui vous sont chers, que retomberont les bénédictions qu’ils demanderont au ciel, en reconnaissance de vos bienfaits. »

« Odillon ptre. »

« Septembre 17. Je suis entré dans leur cachot vers six heures pour passer la nuit auprès des malheureux et essayer à verser dans leur cœur un peu de calme et de repentir. Ils étaient dans un état d’exaspération épouvantable. Leurs yeux étaient hors de tête, leurs figures sinistres et empreintes d’une haine indicible. Leurs mains étaient couvertes du sang qui s’échappait des blessures que les fers leur avaient faites en essayant à s’élancer l’un sur l’autre pour se