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HÉLIKA.

leurs balles à l’abri des rochers. Nous décidâmes donc d’attendre le jour pour juger de l’effet de nos coups.

Lorsque l’aube parut, Baptiste se chargea d’aller faire la reconnaissance pour voir ce qu’était devenu nos ennemis. Il choisit le Gascon pour l’accompagner. C’était un trappeur consommé en fait d’adresse, de ressources et de ruse. Ils revinrent deux heures après et nous informèrent qu’ils avaient relevé les pistes des fuyards et que Paulo formait l’arrière-garde. Ils étaient encore six, nous le savions déjà, car nous avions examiné l’effet du premier coup qui avait été tiré par Bidonne. La balle avait traversé le cœur du sauvage. Quant aux autres coups tirés par les Français, bien qu’au juger, ils avaient eux aussi parfaitement atteint leur but. L’un avait été tué instantanément, l’autre gisait mortellement blessé.

Bien nous en prit de ne nous approcher qu’avec la plus grande précaution, car malgré le sang qu’il avait perdu, le blessé avait appuyé son fusil sur une pierre et de son œil mourant cherchait encore s’il ne pourrait pas envoyer une balle dans le cœur d’un ennemi. Je lui en exemptai la peine, j’ajustai mon coup sur le canon de son arme et tirai ; son fusil vola en éclats loin de lui ; nous nous avançâmes alors en toute sûreté.

Il était le chef des sept nouveaux associés de Paulo. Il me lança un regard de défi lorsque je fus près de lui, croyant que j’allais le torturer dans ses derniers moments, comme il n’eût pas manqué de le faire si nous fussions tombés entre ses mains. Aussi manifesta-t-il quelque surprise lorsque je lui demandai s’il voulait boire. Il me fit un signe affirmatif, le Normand alla lui chercher de l’eau.

J’examinai alors sa blessure, la balle lui était entré dans le dos obliquement et lui ressortait dans la partie interne de la cuisse opposée. Elle avait donc traversé les intestins ; sa mort était certaine. Pendant la demi-heure qu’il survécut, nous essayâmes à soulager ses souffrances et lorsqu’il eut rendu le dernier soupir, nous creusâmes une fosse commune où nous déposâmes les trois cadavres. Nous les recouvrîmes de terre et même de pierres pour les protéger des atteintes des bêtes.

Nous incendiâmes ensuite leur cabane et après un repos de quelques instants, nous nous mîmes à la poursuite des autres bandits qui avaient sur nous une avance de plus de trois heures. C’était là que commençaient les difficultés de la tâche que nous avions entreprise.

Maintenant l’éveil leur était donné. Sans doute qu’ils allaient employer toutes les ruses possibles pour nous surprendre à leur tour.

Je comprenais toutefois qu’ils ne pouvaient marcher longtemps ensemble. L’attaque avait été si inattendue et leur fuite si préci-