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HÉLIKA.

leur poursuite. Plus je songeais à leurs affreux forfaits et plus je sentais un désir implacable de m’emparer d’eux vivants ou de les faire disparaître. Ce fut dans cette disposition d’esprit que j’abordai à St. Anne, à l’extrémité ouest du Cap Martin, dans une petite anse qui se trouvait vis-à-vis de ma demeure.

J’allai frapper à la porte et me fit reconnaître. Tout le monde était sur pied, certes mes amis faisaient bonne garde ; ils avaient entendu mes pas.

Nous passâmes le reste de la nuit à faire nos préparatifs de départ, pendant que je leur racontais les incidents de mon voyage. Il avait été convenu entre Baptiste et moi que nous commencerions notre chasse immédiatement après mon arrivée.

Tout le monde dans le village savait quelle était la nature de l’expédition que nous allions entreprendre ; aussi, connaissant à quels dangers nous allions être exposés, faisait-on des vœux pour notre succès, tant les bandits inspiraient de terreur. Des prières étaient faites chaque soir dans les familles, pour que Dieu, nous ramenât sains et saufs.

Cependant la vue de la barque avait appris mon arrivée à mes bons amis, qui connaissaient le but de mon voyage, sans savoir en quel lieu j’avais laissé mon enfant ; le curé seul en était informé. À bonne heure le lendemain matin, une douzaine des habitants les plus aisés et les plus respectables, ayant le bon prêtre en tête, vinrent et nous offrirent tout ce qu’ils croyaient nous être nécessaire pour notre excursion, provisions, habillements et munitions. Mais nous étions amplement pourvus de tout cela. Nous les remerciâmes avec effusion et nous prîmes le chemin des bois accompagnés de leurs souhaits et de leurs vieux.

Il était facile au calme et à la détermination de nos figures de voir combien nous allions mettre de persévérance et de fermeté dans la chasse que nous entreprenions, bien que ceux que nous allions combattre fussent presque deux fois plus nombreux que notre parti, puisque Paulo et son ami avaient recruté les sept autres sauvages.

J’avais pris le commandement de l’expédition.

Un mot personnel sur ma petite troupe.

Bidoune était un homme de six pieds trois pouces, brave et infatigable comme l’étaient les Canadiens trappeurs de ce temps-là. Sa force était herculéenne. Quand une fois il était sorti de sa placidité ordinaire, il devenait furieux et indomptable comme un taureau blessé. Une fois déjà pris par cinq sauvages, il s’était vu attaché au poteau du bûcher et grâce à sa force musculaire, il avait rompu ses liens, saisi une hache, engagé contre tous les cinq une