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HÉLIKA.

Je renonce à peindre la scène déchirante qui s’en suivit, les larmes et les cris de désespoir des malheureux enfants.

Enfin la messe était terminée et le père revenait tout joyeux avec les autres personnes de la famille, lorsqu’ils rencontrèrent dans l’avenue les deux enfants qui couraient éplorés en criant : « Papa, papa, viens donc vite, maman est morte, il y a des hommes méchants qui l’ont tuée. » Le père en ouvrant la porte ne connut que trop la triste vérité.

Cette nouvelle que je rapportai à Baptiste fut confirmée le lendemain par des documents officiels et certains.

Par la désignation que firent les enfants, je reconnus mon ancien complice.

Ce récit expliqua à Baptiste pourquoi à pareille date, il avait perdu les brigands de vue, pendant plusieurs jours. C’était pour dépister leurs poursuivants qu’ils étaient revenus sur leurs pas jusqu’au lieu où ils avaient commis ce meurtre.

Il n’y avait donc plus de temps à perdre. J’envoyai de suite Baptiste louer une barque et le même soir à neuf heures, Adala, Aglaus et moi, nous voguions sur le fleuve poussés par un bon vent. Douze heures après, nous entrions dans la rivière St. Charles et débarquions près de l’Hôpital Général de Québec.

Baptiste et les amis devaient rester dans ma maison pendant mon absence et se tenir prêts à tout événement.

Revenons à notre voyage. Nous allâmes frapper à la porte du parloir du couvent. Une jeune sœur vint au guichet. J’avais tant hâte de savoir si mon enfant y trouverait asile et confort que sans autre préambule je demandai la permission de visiter les salles, prétextant qu’il devait y avoir une de mes connaissances qui était là depuis plusieurs années.

Sans m’en douter, je disais bien vrai. Une religieuse vint me conduire. Je tenais Adala par la main, la vieille Indienne nous suivait. Tout en causant, j’admirais l’ordre parfait et le bien-être qui y régnaient. En approchant d’un lit où était étendue une vieille malade, je m’arrêtai malgré moi. Ses traits quoique portant les traces de l’idiotisme me frappèrent. Ils me rappelaient quelque vague souvenir de ma jeunesse.

Où l’avais-je vu ?

Je ne pouvais m’en rendre compte. J’essayai à l’interroger mais elle ne me répondit que par quelques paroles incohérentes.

« Depuis deux ans, me dit la religieuse, la pauvre vieille a perdu toute intelligence. » Je lui demandai de vouloir bien s’éloigner un instant, la bonne sœur accéda volontiers à mon désir.

Je m’approchai du lit de l’octogénaire. « Rosalie », lui dis-je. Elle fit