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HÉLIKA.

D’ailleurs Paulo, qui avait perdu le gros doigt du pied gauche, imprimait sur le sol humide des marais une empreinte caractéristique.

Mes amis, en arrivant dans le lieu où le repas avait été pris, reconnurent d’une manière facile et certaine quels étaient ceux qui y avaient séjourné.

Dès ce moment, ils pouvaient les suivre plus aisément, connaissant la direction de leurs pas qu’ils ne prenaient plus même la peine de cacher.

Ils se dirigeaient évidemment vers un campement composé de sept sauvages renégats chassés de leurs tribus pour leur mauvaise conduite.

Il eût été difficile de trouver un homme plus énergique et plus déterminé que Baptiste. Les trois hommes de cœur qui l’accompagnaient étaient aussi braves que rusés. Leur nouvel associé s’appelait Bidoune.

Enfin, après une assez longue marche, ils arrivèrent auprès de ce campement et ils purent se convaincre que Paulo et son ami y étaient installés. Comme ils étaient sans défiance, Baptiste, avec des précautions infinies, réussit à s’approcher tout auprès et put saisir quelques mots de leur conversation.

Ils discutaient vivement un projet d’enlèvement analogue au premier. Paulo leur avait fait entrevoir quelle forte rançon le chef paierait pour le rachat de son enfant. Leur plan était tout mûri : à un moment donné, ils devaient se rejoindre chez le louche où des armes étaient déposées. C’est d’après ces renseignements que Baptiste avait cru devoir prendre le prétexte d’une poule perdue pour y faire des perquisitions.

Comme l’enlèvement était plus facile par le fleuve, un canot serait mis dans le voisinage dans lequel on embarquerait l’enfant pendant qu’une bande ferait en sorte d’attirer les poursuivants vers les bois.

Leur intention était de se diriger vers les îles de Kamouraska où ils se tiendraient cachés pendant une quinzaine de jours pour détourner les soupçons, puis ils se rejoindraient à l’Islot aux Massacres.

Ils devaient de plus incendier la demeure d’Hélika, saisir la vieille et le chef à qui, d’après les conventions, ils ne feraient aucun mal, les lier fortement tous les deux de manière à les mettre hors d’état de donner l’alarme.

Au récit de ce diabolique projet je voyais les yeux de l’Indienne briller comme des tisons ardents à l’idée des outrages que sa petite fille pourrait endurer parmi de tels brigands. Pour moi des trans-