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Aussitôt qu’ils atteignirent à l’endroit où gisait leur autre embarcation, ils poussèrent la leur sur la grève et mirent pied à terre en la hâlant après eux ; ce qui me fit grand plaisir à voir : car j’avais craint qu’ils ne la laissassent à l’ancre, à quelque distance du rivage, avec du monde dedans pour la garder, et qu’ainsi il nous fût impossible de nous en emparer.

Une fois à terre, la première chose qu’ils firent, ce fut de courir touts à l’autre embarcation ; et il fut aisé de voir qu’ils tombèrent dans une grande surprise en la trouvant dépouillée, — comme il a été dit, — de tout ce qui s’y trouvait et avec un grand trou dans le fond.

Après avoir pendant quelque temps réfléchi sur cela, ils poussèrent de toutes leurs forces deux ou trois grands cris pour essayer s’ils ne pourraient point se faire entendre de leurs compagnons ; mais c’était peine inutile. Alors ils se serrèrent touts en cercle et firent une salve de mousqueterie ; nous l’entendîmes, il est vrai : les échos en firent retentir les bois, mais ce fut tout. Les prisonniers qui étaient dans la caverne, nous en étions sûrs, ne pouvaient entendre, et ceux en notre garde, quoiqu’ils entendissent très-bien, n’avaient pas toutefois la hardiesse de répondre.

Ils furent si étonnés et si atterrés de ce silence, qu’ils résolurent, comme ils nous le dirent plus tard, de se rembarquer pour retourner vers le navire, et de raconter que leurs camarades avaient été massacrés et leur chaloupe défoncée. En conséquence ils lancèrent immédiatement leur esquif et remontèrent touts à bord.

À cette vue le capitaine fut terriblement surpris et même stupéfié ; il pensait qu’ils allaient rejoindre le navire et mettre à la voile, regardant leurs compagnons comme perdus ; et qu’ainsi il lui fallait décidément perdre son navire,