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rébarbative que je faisais. Ils restèrent muets et s’apprêtaient à s’enfuir, quand je leur adressai la parole en anglais : — « Gentlemen, dis-je, ne soyez point surpris de ma venue ; peut-être avez-vous auprès de vous un ami, bien que vous ne vous y attendissiez pas. » — « Il faut alors qu’il soit envoyé du Ciel, me répondit l’un d’eux très-gravement, ôtant en même temps son chapeau, car notre condition passe tout secours humain. » — « Tout secours vient du Ciel, sir, répliquai-je. Mais ne pourriez-vous pas mettre un étranger à même de vous secourir, car vous semblez plongé dans quelque grand malheur ? Je vous ai vu débarquer ; et, lorsque vous sembliez faire une supplication à ces brutaux qui sont venus avec vous, — j’ai vu l’un d’eux lever son sabre pour vous tuer. »

Le pauvre homme, tremblant, la figure baignée de larmes, et dans l’ébahissement, s’écria : — « Parlé-je à un Dieu ou à un homme ? En vérité, êtes-vous un homme ou un Ange ? » — « Soyez sans crainte, sir, répondis-je ; si Dieu avait envoyé un Ange pour vous secourir, il serait venu mieux vêtu et armé de toute autre façon que je ne suis. Je vous en prie, mettez de côté vos craintes, je suis un homme, un Anglais prêt à vous secourir ; vous le voyez, j’ai seulement un serviteur, mais nous avons des armes et des munitions ; dites franchement, pouvons-nous vous servir ? Dites quelle est votre infortune ?

— « Notre infortune, sir, serait trop longue à raconter tandis que nos assassins sont si proche. Mais bref, sir, je suis capitaine de ce vaisseau : mon équipage s’est mutiné contre moi, j’ai obtenu à grande peine qu’il ne me tuerait pas, et enfin d’être déposé au rivage, dans ce lieu désert, ainsi que ces deux hommes ; l’un est mon second et l’autre un passager. Ici nous nous attendions à périr, croyant