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l’équité et la justice du tribut d’hommages que nous devons lui payer. Mais rien de tout cela ne se présentait dans la notion sur le malin esprit sur son origine, son existence, sa nature, et principalement son inclination à faire le mal et à nous entraîner à le faire aussi. — Le pauvre garçon m’embarrassa un jour tellement par une question purement naturelle et innocente, que je sus à peine que lui dire. Je lui avais parlé longuement du pouvoir de Dieu, de sa toute-puissance, de sa terrible détestation du péché, du feu dévorant qu’il a préparé pour les ouvriers d’iniquité ; enfin, nous ayant touts créés, de son pouvoir de nous détruire, de détruire l’univers en un moment ; et tout ce temps il m’avait écouté avec un grand sérieux.

Venant ensuite à lui conter que le démon était l’ennemi de Dieu dans le cœur de l’homme, et qu’il usait toute sa malice et son habileté à renverser les bons desseins de la Providence et à ruiner le royaume de Christ sur la terre : — « Eh bien ! interrompit Vendredi, vous dire Dieu est si fort, si grand ; est-il pas beaucoup plus fort, beaucoup plus puissance que le diable ? » — « Oui, oui, dis-je, Vendredi ; Dieu est plus fort que le diable. Dieu est au-dessus du diable, et c’est pourquoi nous prions Dieu de le mettre sous nos pieds, de nous rendre capables de résister à ses tentations et d’éteindre ses aiguillons de feu. » — « Mais, reprit-il, si Dieu beaucoup plus fort, beaucoup plus puissance que le diable, pourquoi Dieu pas tuer le diable pour faire lui non plus méchant ? »

Je fus étrangement surpris à cette question. Au fait, bien que je fusse alors un vieil homme, je n’étais pourtant qu’un jeune docteur, n’ayant guère les qualités requises d’un casuiste ou d’un résolveur de difficultés. D’abord, ne sachant que dire, je fis semblant de ne pas l’entendre, et