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passa un long temps avant que je pusse en proférer davantage.

Dans cet intervalle me revinrent à l’esprit les bons avis de mon père, et sa prédiction, dont j’ai parlé au commencement de cette histoire, que si je faisais ce coup de tête Dieu ne me bénirait point, et que j’aurais dans la suite tout le loisir de réfléchir sur le mépris que j’aurais fait de ses conseils lorsqu’il n’y aurait personne qui pût me prêter assistance. — « Maintenant, dis-je à haute voix, les paroles de mon cher père sont accomplies, la justice de Dieu m’a atteint, et je n’ai personne pour me secourir ou m’entendre. J’ai méconnu la voix de la Providence, qui m’avait généreusement placé dans un état et dans un rang où j’aurais pu vivre dans l’aisance et dans le bonheur ; mais je n’ai point voulu concevoir cela, ni apprendre de mes parents à connaître les biens attachés à cette condition. Je les ai délaissés pleurant sur ma folie ; et maintenant, abandonné, je pleure sur les conséquences de cette folie. J’ai refusé leur aide et leur appui, qui auraient pu me produire dans le monde et m’y rendre toute chose facile ; maintenant j’ai des difficultés à combattre contre lesquelles la nature même ne prévaudrait pas, et je n’ai ni assistance, ni aide, ni conseil, ni réconfort. » — Et je m’écriai alors : — « Seigneur, viens à mon aide, car je suis dans une grande détresse ! »

Ce fut la première prière, si je puis l’appeler ainsi, que j’eusse faite depuis plusieurs années. Mais je retourne à mon journal.

Le 28. — Un tant soit peu soulagé par le repos que j’avais pris, et mon accès étant tout à fait passé, je me levai. Quoique je fusse encore plein de l’effroi et de la terreur de mon rêve je fis réflexion cependant que l’accès de