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quable, non par l’élégance et la grâce poétique, mais par l’énergique accent d’une conscience vertueuse et de l’innocence opprimée.


FRAGMENTS DE L’HYMNE AU PILORI.

Salut ! Hiéroglyphe de honte, symbole d’ignominie et de vengeance, salut ! Les gouvernements t’emploient à punir la pensée ; mais tu es insignifiante et les hommes qui sont hommes ne souffrent pas du supplice que tu leur infliges ; tu appelles sur eux le mépris : mais qu’est-ce que le mépris sans le crime ? C’est un mot, ce n’est rien ; un vain épouvantail, dont un esprit sain, une âme forte se jouent ; la vertu méprise le mépris des hommes et le châtiment non mérité est une preuve pour l’innocence

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Moi, j’aurais peur de toi ! Pry, Paxton, Bastwick, ces hommes purs et nobles, n’ont-ils pas été au pilori comme moi ? Le savant Seldon lui-même, à travers les viraux de son cabinet, sanctuaire de la science, ne l’a-t-il pas apperçu ? Il était l’honneur de son siècle, et si jamais il se fût assis près du pilier infâme, quel homme de cœur eût refusé de prendre place sur un échafaud consacré et glorieux !

Tu n’es rien de honteux pour l’honnête homme et pour l’homme véridique ; tu ne peux rien, ni sur la réputation, ni sur le bonheur. Souffrir un châtiment d’opprobre pour une cause vertueuse, c’est un martyre désirable. Ainsi s’élèvent du sein des marais des exhalaisons impures ; elles obscurcissent le jour, mais sans l’éteindre ; elles retombent bientôt au lieu même d’où elles ont émané. Ainsi l’ignominie leur restera, à moi sera la gloire ; et s’ils ont attaché sur mon front l’inscription qui déshonore le faussaire et le voleur, leur front, que la postérité flétrira sera couvert de honte à jamais !

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Les juges et le jury avaient condamné Daniel de Foë, non-seulement à être exposé trois fois en place publique, mais à payer une amende considérable et à la prison illimitée. Il fut ruiné ; sa famille resta sans ressources ; on le conduisit à Newgate.

Or savez-vous combien de temps il passa sous les verrous de Newgate, ce pauvre de Foë ? Quatre années entières au milieu des voleurs, des assassins et des filous de Londres, travaillant, composant, étudiant, écrivant des pamphlets, pour nourrir sa famille ne faisant pas au pouvoir une seule concession, ne s’abaissant pas d’un pouce ou d’une ligne, ne pliant pas sous la grêle d’invectives qui le harcelait, sous la misère qui l’accablait. Dites ce que vous avez vu de plus beau dans l’histoire moderne ; et si cet homme est un fou, montrez-moi vos sages !

« Des murs de pierre, dit-il, ne sont pas une prison des barreaux de fer ne sont pas une cage ; sous les grilles et sous les pierres de taille, une âme innocente et libre, et trouve un paisible ermitage. » En effet, les huit pamphlets et les deux poèmes qui sortirent de sa plume, pendant son emprisonnement, sont dignes d’être classés parmi ses meilleurs ouvrages.

Quelque chose de plus extraordinaire devait sortir de la prison de Daniel ; la première Revue qui ait été publiée ; neuf volumes in-4o, rédigés par lui seul, dont les deux premiers et le dernier furent écrits à Newgate.

L’Hymne à la Victoire, l’Élégie sur moi-même, composées après sa sortie de prison, rappellent, par l’énergie épigrammatique, le True-Born Englishman et l’Hymne au Pilori. — Giving alms no charity (faire l’aumône, ce n’est pas faire la charité) est ce qu’on a écrit de plus complet