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Il y avait du thaumaturge dans Wagner, et cette impunité dans la domination excusa presque son imperturbable vanité.

Si Richter ressemble à un prophète, quand il dirige l’orchestre c’est le bon Dieu… (et encore soyez sûr que le bon Dieu ne risquerait cette aventure qu’après avoir demandé quelques conseils à Richter).

Pendant que sa main droite armée d’un petit bâton sans prétention assure la précision des rythmes, sa main gauche se multiplie, indiquant à tout le monde ce qu’il doit faire. Cette main est « ondoyante et diverse », sa souplesse est invraisemblable. Puis, lorsque l’on croit qu’il n’y a vraiment pas moyen d’avoir plus de richesse sonore, ses deux bras se lèvent à la fois, l’orchestre bondit à travers la musique avec une fougue irrésistible qui balaie, comme fétu de paille, l’indifférence la plus enracinée. Toute cette pantomime reste discrète, sans jamais accrocher désagréablement l’œil, ni s’interposer entre la musique et le public.

J’ai essayé vainement de voir ce prodigieux homme. C’est un sage qui se dérobe farouchement à l’interview… Pendant un instant j’ai pu l’apercevoir faisant répéter Fafner, le pauvre dragon sur lequel Siegfried, petite brute héroïque, essayera tout à l’heure la vertu de son épée… On comprendra, j’en suis sûr, mon émotion à contempler, courbé