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terres et d’empêcher les ravages des Iroquois[1]. »

Mais il ne suffisait pas de faire place nette, il fallait livrer à la culture les terres ainsi découvertes par le feu. Pour cela, non-seulement des bras, mais des capitaux étaient nécessaires. Les convois de colons, l’arrivée des engagés, le licenciement des soldats, avaient bien augmenté la population, mais non les ressources du pays. Tous ces émigrants sortaient des classes les moins fortunées de la population française ; Colbert voulut attirer au Canada les classes aisées elles-mêmes. C’est dans ce but qu’il appliqua à la colonie le système des concessions seigneuriales.

Des étendues de terre assez considérables furent, avec le titre de seigneuries, promises à tous ceux qui, nobles ou non, mais disposant de capitaux suffisants pour mettre leurs terres en valeur, voudraient aller s’établir au Canada, et cette promesse y attira en effet un grand nombre de colons appartenant à la petite noblesse et à la bourgeoisie.

C’était là une mesure économique, nullement une institution nobiliaire, et presque tous les noms des premiers seigneurs canadiens sont des noms bourgeois. Un chirurgien du Perche, Pierre Giffard, obtient la seigneurie de Beauport. Nous trouvons encore Louis Hébert, Le Chasseur, Castillon, Simon Lemaître, Cheffaut de la Regnardière, Jean Bourdon, etc[2]. Les

  1. Instructions pour le sieur Gaudais, 1er mai 1667. (Correspondance de Colbert, 2e part., t. III, p. 443.)
  2. Ces seigneuries avaient été concédées avant Colbert. Il n’inventa pas le système, mais le perfectionna et l’étendit.