Page:De Taurines - La nation canadienne, 1894.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en voyant de loin les manchettes de dentelle et les rubans des officiers : « Quelle est cette troupe de femmes !» mais dont il se repentit sans doute d’avoir méconnu la valeur lorsqu’il vit son armée par eux mise en déroute.

Outre les convois d’émigrants envoyés en bloc, outre le licenciement des troupes, Colbert pourvut encore à l’accroissement de la population par l’institution des « engagés ».

Les engagés étaient une classe de colons toute spéciale. Recrutés dans les classes les plus pauvres de la population de France, ils s’obligeaient à servir trois ans dans les colonies comme ouvriers ou serviteurs ; leur salaire était fixé par les ordonnances. Ils aliénaient en somme leur liberté pour cette période de trois ans ; aussi étaient-ils désignés sous le nom de « trente-six mois ».

Pour multiplier leur nombre, il fut arrêté qu’aucun navire marchand ne pourrait mettre à la voile vers l’Amérique dans les ports français, sans que le capitaine ait justifié qu’il emmenait à son bord un nombre d’engagés proportionné au tonnage de son navire. C’étaient trois engagés pour un navire de 60 tonneaux, six pour un navire de 100 tonneaux, etc. Le capitaine devait pourvoir à leur nourriture pendant la traversée, puis, arrivant à destination, les cédait, moyennant le remboursement de ses frais, aux colons qui avaient besoin de leurs bras.

Pour qu’il fût bien couvert de ses déboursés, il fallait qu’il pût retirer en moyenne 130 livres de