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coquettes, tout ce panorama changeant et plein de vie que la marche du navire déroule avec rapidité aux regards émerveilles des passagers ; tout ce mouvement, toute cette activité, toute cette richesse n’étaient, à une époque qui n’est pas bien éloignée de nous, que silence, désert et solitude.

Quand en 1535, poussé par ce vent de découvertes qui soufflait depuis Colomb, le marin malouin Jacques Cartier remonte pour la première fois le cours du grand fleuve, il ne trouve sur ses rives que des forêts sans limites, et, pour toute population, que quelques pauvres tribus indiennes.

Campé sur la rive pour y passer l’hiver, il voit, à cet endroit même où s élèvent aujourd’hui les fières murailles et les gracieux monuments de Québec, ses compagnons décimés par le froid, les maladies et la faim !

Il faut lire le récit de cet hivernage dans la relation même qu’en a laissée Cartier. Une affreuse épidémie, le typhus, décimait ses compagnons. Le mal sévissait avec une telle fureur qu’à la fin de février, des cent dix hommes de sa flotte, trois ou quatre à peine restaient capables de porter à leurs compagnons les soins que réclamait leur pitoyable état. Vingt-cinq d’entre eux succombèrent au fléau. Cartier fit faire l’autopsie du cadavre de l’un d’eux, Philippe Rougemont, d’Amboise, et il relate avec minutie dans son journal tous les détails de cette triste opération.

« Il fust trouvé qu’il avait le cœur blanc et flétri, environné de plus d’un pot d’eau rousse comme