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aucun ministre austère et capable ne pourvoit rester en place, ils comprirent que les institutions stables peuvent seules mettre l’état à l’abri des vicissitudes des cours.

Joseph II, Catherine II, la reine de Naples, écrivirent à M. Necker, pour lui offrir la direction de leurs finance : il avoit le cœur trop

    souvent au spectacle, à Paris, des allusions aux circonstances du moment saisies avec beaucoup de finesse ; mais je n’en ai point vu qui l’aient été avec un intérêt aussi sensible, aussi général. Chaque applaudissement (quand il s’agissoit de Sully) sembloit, pour ainsi dire, porter un caractère particulier, une nuance propre au sentiment dont on étoit pénétré ; c’étoit tour à tour celui des regrets et de la tristesse, de la reconnaissance et du respect ; et tous, ces mouvemens étoient si vrais, si justes, si bien marqués que la parole même n’auroit pu leur donner une expression plus vive et plus intéressante. Rien de ce qui pouvoit s’appliquer sans effort au sentiment du public pour M. Necker ne fut négligé ; souvent les applaudissemens venoient interrompre l’acteur, au moment où l’on prevoyoit que la suite du discours ne seroit plus susceptible d’une application pure, aussi flatteuse, aussi naturelle. Enfin, nous osons croire qu’il est peu d’exemples d’un concert d’opinions plus sensible, plus délicat, et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, plus involontairement unanime. Les comédiens ont été s’excuser, auprès de M. le lieutenant de police, d’avoir donné lieu a une scène si touchante, mais dont on ne pouvoit leur savoir mauvais gré. Ils ont justifié leur innocence, en prouvant que la pièce étoit sur le répertoire depuis huit jours. On,