Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.

porté à lui adresser ces paroles : « Patience, mon ami ! Le nombre des membres du barreau augmente avec une telle rapidité, qu’on a droit d’espérer qu’avant peu un juge en chef pourra prononcer sur la tombe de quelque phœnix d’avocat futur l’éloge mérité dont vous avez été l’objet, et vous ne serez plus alors seul dans votre solitude. »

À propos de Leclerc, excellent enfant auquel Moquin avait chanté la complainte du général Montcalm, je vais citer un exemple entre mille de l’espèce de mémoire assez rare dont je suis doué.

J’étais à Beauport chez mon gendre M. Andrew Stuart, maintenant juge de la Cour supérieure, lorsqu’un vieux cultivateur arriva conduisant une charrette de foin. Après un moment de conversation (car je ne me prive jamais, lorsque l’occasion s’en présente, du plaisir de converser avec un vieillard canadien,) je lui dis :

— Vous avez été pendant votre enfance pensionnaire au séminaire de Québec ?

— Mais, oui ; répliqua-t-il en me regardant avec surprise ; et plût à Dieu que j’y fusse resté plus longtemps. J’en suis, à mon regret, sorti à l’âge de quinze ans. Mais il m’a passé cinquante bonnes années sur la tête depuis.

— Vous n’en êtes pas moins, lui dis-je, mon ancien compagnon de collège, Leclerc, que nous appelions le petit Alexis ; cherchez dans vos souvenirs ceux des pensionnaires qui vous tourmentaient le plus et que vous n’en aimiez pas moins ?

— Ah ! dam ! fit le vieillard, mes meilleurs amis