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J’ai vu ton ami Laterrière ; il est de retour au Canada, où il se propose de passer l’hiver, et j’ai été frappée, comme tout le monde, du changement qui s’est fait en lui : il serait mort avant six mois que je n’en serais pas surprise.

— Quoi ! déjà ! m’écriai-je : il reviendrait déjà accomplir le vœu qu’il a fait de mourir sur le sol de la patrie ! Impossible ! Il y avait trop de vitalité dans cette âme ardente ! dans ce corps aux muscles de fer !

Un journal de Québec annonçait, cinq mois après, la mort de mon ami. Je laissai tomber la feuille, et m’enfermant dans une chambre d’où je découvrais la paroisse des Éboulements, je fis de pénibles réflexions, en pensant que là gisait le corps inanimé de celui dont la gaîté animait naguère les cercles de ses nombreux amis, de celui dont tous les traits s’épanouissaient de plaisir chaque fois qu’il venait à ma rencontre, comme l’aurait fait un tendre ami après une longue absence. Ô néant de la vie ! m’écriai-je, s’il m’était donné de traverser ce fleuve couvert de glace, de me pencher sur la tombe de mon ami, je n’y rencontrerais que le froid accueil des hôtes ordinaires du sépulcre !

Dors en paix, ô mon ami, sur la rive droite du majestueux Saint-Laurent ! Celui que tu as tant aimé trouvera aussi bien vite le repos sur la rive opposée du même fleuve ! Les tempêtes qui bouleverseront ses flots ne troubleront pas plus ton repos que les ouragans beaucoup plus terribles de la vie humaine, auxquels ton ami sera exposé jusqu’au jour où il trouvera aussi