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Mais comme tout plaisir prend fin, même celui de s’époumonner en vociférant comme des maniaques, nous nous rendîmes à l’invitation pressante du père Caron, bien résolu de recommencer après avoir écouté la légende que les paroles précédentes de Nestor de la forêt semblaient nous annoncer sur les bruits étranges que nous avions entendus.


LÉGENDE DU PÈRE LAURENT CARON.


C’était du temps du Français, dit le père Caron : l’Anglais n’avait pas encore mis le pied dans le pays, ou s’il l’avait fait par-ci par-là, il s’en était retourné plus vite qu’il n’y était venu, s’il n’y avait pas laissé sa peau ; car, voyez-vous, il y avait parmi nous autres Canadiens des lurons qui n’avaient pas froid aux yeux.

— Ah ! dit Maguire, qui ne faisait alors que jaboter la langue française : les Irlandais l’avoir aussi des boys, ce qui ne pas empêcher le Anglais de prendre ma pays !

— Faites excuse, monsieur, répliqua le père Caron : l’Anglais n’a jamais pris le Canada ; c’est la Pompadour qui l’a vendu au roi d’Angleterre. Mais, n’importe ; nos bonnes gens reviendront !

For de cet espoir, très commun alors parmi les vieux habitants, le père Caron continua en ces termes :

L’histoire que je vais vous raconter est bien vraie : c’est un vénérable prêtre, le défunt monsieur Ingan, curé de l’Islet, qui la racontait autrefois à mes oncles.

C’était dans le mois d’octobre, vers les dix heures du