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MÉMOIRES.

Je me rendis à la grand-messe, le second dimanche après mon arrivée. Quatre gamins me guettent au passage et me proposent de prendre place dans un banc qu’ils ont à la cathédrale ; ils me font un grand éloge de l’excellent pain bénit qu’on distribue dans les villes, et finissent par me demander si j’avais des sols dans ma poche. Sur ma réponse affirmative ils déclarèrent que tout était bien, vu qu’on ne distribuait le pain bénit qu’à ceux qui donnaient à la quête qui se fait dans l’église pendant la grand-messe. Cette coutume me parut bien différente de celle de nos campagnes où l’on distribuait le pain bénit gratis, mais c’était probablement toute autre chose dans les villes.

Ces messieurs, au lieu de me mener dans leur banc, me firent entrer dans la chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Pitié, et me firent asseoir avec eux sur les marches du petit autel, en me déclarant que nous serions comme des princes, et moins gênés que dans leur banc.

— Maintenant, me dit l’un d’eux, donne-moi cinq sols pour le quêteur : le pain bénit coûte, à Québec, un sol le morceau.

Je lui fis observer que l’aide-bedeau, qui distribuait le pain bénit, ignorerait ce qu’il aurait donné à la quête faite par le bedeau principal.

— C’est bien bon, répliqua-t-il, pour vos imbéciles de bedeaux de la campagne, mais sache que nos bedeaux sont plus futés.

Et les trois autres gamins secouèrent la tête en signe d’approbation.

Après une assez longue attente, le fripon revint avec trois morceaux de pain bénit, gros comme des jaunes