Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
UN SOUPER CHEZ UN SEIGNEUR CANADIEN.

de l’eau que toutes les demi-heures, et encore pour la forme ; pour voir ce qui se passe dans le monde d’en haut. Diable ! vous êtes aussi un peu comme le saumon : quand on lui donne de la touée, il en profite. M’est avis que les goujons de votre espèce ne se trouvent pas dans tous les ruisseaux !

— Ce qui n’empêche pas, capitaine, dit Arché, que sans votre présence d’esprit, sans votre calcul admirable à ne lâcher que la mesure précise de ligne, je me serais brisé la tête, ou l’estomac, contre la glace ; et que le corps du pauvre Dumais, au lieu d’être dans un lit bien chaud, roulerait maintenant dans le lit glacé du Saint-Laurent.

— En voilà un farceur ! fit Marcheterre ; à l’entendre parler ce serait moi qui aurais fait la besogne ! Il fallait bien vous donner de la touée, quand j’ai vu que les pieds menaçaient de vous passer par-dessus la tête : position qui aurait été assez gênante au beau milieu des flots déchaînés.

Je veux que le di… : Excusez, M. le curé ; j’allais jurer : c’est une vieille habitude de marin.

— Bah ! dit, en riant, le curé (e), un de plus, ou de moins, il y a longtemps, vieux pêcheur, que vous en êtes coutumier : la taille est pleine et vous n’en tenez plus aucun compte !

— Quand la taille sera pleine, mon cher curé, dit Marcheterre, vous passerez la varlope dessus, comme vous avez déjà fait ; et on filera un autre nœud. D’ailleurs, je ne vous échapperai pas, vous saurez bien me gaffer en temps et lieu, et me remorquer à bon port avec les autres pécheurs.

— Vous êtes trop sévère, M. l’abbé, dit Jules ; comment voulez-vous que ce cher capitaine se prive