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NOTES DU CHAPITRE QUATORZIÈME.

consignées dans les archives de la marine française, et s’en tient à la version seule de Washington.

La grande ombre du héros républicain aurait-elle influencé le jugement du célèbre écrivain français ? Il ne m’appartient pas à moi, faible pygmée, d’oser soulever ce voile. Je dois baisser pavillon en présence d’une si haute autorité, me contentant de dire : Washington alors n’aurait jamais dû signer un écrit où les mots assassin et assassinat lui sont jetés à la figure, comme on le voit dans le cours de la capitulation que j’ai citée.

N’importe ; c’est maintenant au lecteur à juger si j’ai lavé victorieusement la mémoire de mon grand-oncle, accusé d’espionnage. Si Jumonville eût accepté le rôle odieux que son ennemi lui prête pour se justifier d’un honteux assassinat, les Français n’auraient pas versé tant de larmes sur la tombe de la victime.


CHAPITRE QUINZIÈME.


(a) Historique. Plusieurs anciens habitants m’ont souvent raconté qu’alors, faute de moulins, ils mangeaient leur blé bouilli.

Les moulins à farine étaient peu nombreux même pendant mon enfance. Je me rappelle que celui de mon père, sur la rivière des Trois-Saumons, ne pouvant suffire, pendant un rude hiver, aux besoins des censitaires, ils étaient contraints de transporter leur grain soit à Saint-Thomas distant de dix-huit à vingt milles, soit à Kamouraska éloigné de quarante milles ; et il leur fallait souvent attendre trois à quatre jours avant d’obtenir leur farine.

(b) Tous les anciens habitants que j’ai connus s’accordaient à dire que sans cette manne de tourtes, qu’ils tuaient très-souvent à coups de bâtons, ils seraient morts de faim.

(c) En consignant les malheurs de ma famille, j’ai voulu donner une idée des désastres de la majorité de la noblesse canadienne ruinée par la conquête, et dont les descendants déclassés végètent sur ce même sol que leurs ancêtres ont conquis et arrosé de leur sang. Que ceux qui les accusent de manquer de talents et d’énergie se rappellent qu’il leur était bien difficile, avec leur éducation toute militaire, de se livrer tout-à-coup à d’autres occupations que celles qui leur étaient familières.

(d) Cette scène entre M. de Saint-Rue, échappé au naufrage de l’Auguste, et mon grand-père Ignace Aubert de Gaspé, capitaine d’un détachement de la marine, a été reproduite telle que ma tante paternelle, Madame Bailly de Messein, qui était âgée de douze ans à la conquête, me la racontait, il y a cinquante ans.

(e) Les anciennes familles canadiennes, restées au Canada après la