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CONCLUSION.

Mon oncle Raoul, toujours rancunier au souvenir de la jambe que les Anglais lui avaient cassée dans l’Acadie, mais trop bien élevé pour manquer aux convenances, se renfermait d’abord, quand il voulait jurer à l’aise contre les compatriotes de sa belle nièce ; mais, entièrement subjugué au bout d’un mois par les prévenances et l’amabilité de la charmante jeune femme, il supprima, tout à coup, ses jurons, au grand bénéfice de son âme et des oreilles pieuses qu’il scandalisait.

— Ce coquin de Jules, disait mon oncle Raoul, n’est pas dégoûté d’avoir épousé cette Anglaise ; et il avait bien raison ce saint homme de pape de dire que ces jeunes insulaires seraient des anges, s’ils étaient seulement un peu chrétiens : non angli, sed angeli forent, si essent christiani, ajoutait-il d’un air convaincu.

Ce fut bien autre chose quand le cher oncle, tenant un petit-neveu sur un genou et une petite-nièce sur l’autre, les faisait sauter en leur chantant les jolies chansons des voyageurs canadiens. Qu’il était fier quand leur maman lui criait :

— Mais venez donc de grâce à mon secours, mon cher oncle, ces petits démons ne veulent pas s’endormir sans vous.

Mon oncle Raoul avait déclaré qu’il se chargerait de l’éducation militaire de son neveu ; aussi, dès l’âge de quatre ans, ce guerrier en herbe, armée d’un petit fusil de bois, faisait déjà des charges furieuses contre l’abdomen de son instructeur, obligé de défendre avec sa canne la partie assiégée.

– Le petit gaillard, disait le chevalier en se redressant, aura le bouillant courage des d’Haberville, avec