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LE FOYER DOMESTIQUE.

que vous aviez eu beaucoup de peine à vous retirer des griffes de notre bourru de général, mais j’en ignore les détails.

— Quand j’y pense, mon ami, dit M. des Écors, j’éprouve dans la région des bronches une certaine sensation qui m’étrangle : je n’ai pourtant pas lieu de trop me plaindre, car le général fit les choses en conscience à mon égard : au lieu de commencer par me faire pendre, il en vint à la sage conclusion qu’il était plus régulier de faire d’abord le procès à l’accusé, et de ne le mettre à mort que sur conviction. Le sort du malheureux meunier Nadeau, dont je partageais la prison, accusé du même crime d’avoir fourni des vivres à l’armée française, et dont il ne fit le procès qu’après l’avoir fait exécuter ; la triste fin de cet homme respectable, dont il reconnut trop tard l’innocence, lui donna, je crois, à réfléchir qu’il serait plus régulier de commencer par me mettre en jugement que de me faire pendre au préalable : mesure dont je me suis très bien trouvé, et que je conseille à tous les gouverneurs présents et futurs d’adopter, comme règle de conduite, dans les mêmes circonstances. J’ai passé de bien tristes moments pendant ma captivité : toute communication au dehors m’était interdite : je n’avais aucun moyen de me renseigner sur le sort qui m’était réservé. Je demandais chaque jour à la sentinelle, qui se promenait sous mes fenêtres, s’il y avait quelques nouvelles ; et je n’en recevait ordinairement pour toute réponse qu’un g…m des plus francs. À la fin, un soldat plus accostable et d’humeur joviale, qui baragouinait un peu le français, me répondit un soir : « vous pendar sept heures matingue. » Je crois que cet homme