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LES ANCIENS CANADIENS.

Les deux voyageurs continuèrent leur route pendant quelque temps en silence ; mais José, s’apercevant que le sommeil gagnait son compagnon, lui cria :

– Eh ! eh ! capitaine, l’endormitoire vous prend, prenez garde, vous allez, sauf respect, vous casser le nez : je crois que vous auriez besoin d’une autre chanson pour vous tenir éveillé. Voulez-vous que je vous chante la complainte de Biron (m) ?

– Quel est ce Biron ? dit de Locheill.

— Ah ! dam ! mon oncle Raoul, qui est un savant, dit que c’était un prince, un grand guerrier, le parent et l’ami du défunt roi Henri IV, auquel il avait rendu de grands services : ce qui n’empêcha pas qu’il le fit mourir, comme s’il eût été un rien de rien. Et sur ce que je m’apitoyais sur son sort, lui et M. d’Haberville me dirent qu’il avait été traître à son roi, et de ne jamais chanter cette complainte devant eux. Ça m’a paru drôle tout de même, mais j’ai obéi.

— Je n’ai jamais entendu parler de cette complainte, dit Arché, et comme je ne suis pas aussi sensible à l’endroit des rois de France que vos maîtres, faites-moi le plaisir de la chanter.

José entonna alors d’une voix de tonnerre la complainte suivante :

Le roi fut averti par un de ses gendarmes,
D’un appelé LaFin, capitaine des gardes :
Sire, donnez-vous de garde du cadet de Biron
Qui a fait entreprise de vous jouer trahison.

LaFin n’eut point parlé, voilà Biron qui entre
Le chapeau à la main faisant la révérence ;
C’est en lui disant : sire, vous plaît-il de jouer
Mille doublons d’Espagne, que je viens de gagner ?