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DE LOCHEILL ET BLANCHE.

faire oublier, s’il se peut, leurs malheurs, les soigner avec une tendre affection pendant leur vieillesse, et recevoir entre mes bras leur dernier soupir. Bénie par eux, je prierai Dieu, sans cesse, avec ferveur, de leur accorder le repos qui leur a été refusé sur cette terre de tant de douleurs. Mon frère Jules se mariera, j’élèverai ses enfants avec la plus tendre sollicitude, et je partagerai sa bonne et mauvaise fortune, comme doit le faire une sœur qui l’aime tendrement.

De Locheill et son amie s’acheminèrent en silence vers le logis : les derniers rayons du soleil couchant qui miroitaient sur l’onde paisible, et sur les sables argentés du rivage avaient prêté un nouveau charme à ce paysage enchanteur, mais leur âme était devenue subitement morte aux beautés de la nature.

Un vent favorable s’éleva le lendemain, vers le soir ; le vaisseau, qui avait amené de Locheill, leva l’ancre aussitôt, et M. d’Haberville chargea José de conduire son jeune ami à Québec.

La conversation, pendant la route, ne tarit point entre les deux voyageurs : le sujet était inépuisable. Arrivé cependant vers les cinq heures du matin sur les côtes de Beaumont, de Locheill dit à José :

— Je m’endors comme une marmotte : nous avons veillé bien tard hier, et j’étais si fiévreux que j’ai passé le reste de la nuit sans sommeil ; faites-moi le plaisir de me chanter une chanson pour me tenir éveillé.

Il connaissait la voix rauque et assez fausse de son compagnon, ce qui lui inspirait une grande confiance dans ce remède anti-soporifique.

— Ce n’est pas de refus, reprit José qui, comme