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DE LOCHEILL ET BLANCHE.

de son défunt père avec les sorciers de l’île d’Orléans, ses tribulations avec la Corriveau, ainsi que d’autres légendes dont les auditeurs ne se lassaient jamais, sans égard pour les cauchemars auxquels ils s’exposaient dans leurs rêves nocturnes.

On était à la fin d’août de la même année 1767. Le capitaine d’Haberville, revenant le matin de la petite rivière Port-Joli, le fusil sur l’épaule et la gibecière bien bourrée de pluviers, bécasses et sarcelles, remarqua qu’une chaloupe, détachée d’un navire qui avait jeté l’ancre entre la terre et le Pilier-de-Roche, semblait se diriger vers son domaine. Il s’assit sur le bord d’un rocher pour l’attendre, pensant que c’était des matelots en quête de légumes, de lait ou d’autres rafraîchissements (b). Il s’empressa d’aller à leur rencontre, lorsqu’ils abordèrent le rivage, et vit, avec surprise, qu’un d’entre eux, très bien mis, donnait un paquet à un des matelots en lui montrant de la main le manoir seigneurial ; mais à la vue de M. d’Haberville, ce gentilhomme sembla se raviser tout à coup ; s’avança vers lui, lui présenta le paquet et lui dit :

— Je n’aurais jamais osé vous remettre moi-même ce paquet, capitaine d’Haberville, quoiqu’il contienne des nouvelles qui vont bien vous réjouir.

— Pourquoi, monsieur, répliqua le capitaine en cherchant dans ses souvenirs quelle pouvait être cette personne qu’il croyait avoir déjà vue ; pourquoi, monsieur, n’auriez-vous jamais osé me remettre ce paquet en main propre, si le hasard ne m’eût fait vous rencontrer ?

— Parce que, monsieur, dit l’interlocuteur en hésitant, parce que j’aurais craint qu’il vous fût désagré-